Comment tu te vois dans 5 ans ? C’est la question à laquelle je n’ai jamais aimé répondre, en entretien d’embauche ou lors d’un échange avec un ami. Elle m’amène à me demander où j’en étais il y a 5 ans (la réponse est plus facile !). Je terminais juste mes études : la vie s’ouvrait à moi ! Pour la première fois, j’ai pensé que je pouvais poser un choix qui oriente ma vie (sans savoir lequel…). J’avais carte blanche !
Alors, je suis parti voyager ailleurs et marcher ici (en itinérance en partant de chez moi). Aller ailleurs : sur le terrain de l’autre, pour vivre un déplacement. Marcher : jusqu’où ? Je ne savais pas trop. Avec le Christ comme compagnon… ouvert aux rencontres et à ce qui arrive ! Partir de chez moi : quitter mes habitudes, mes repères.
En cheminant avec la Mission de France est venue la question de la possibilité d’être prêtre. Interpellé par certaines rencontres, je me suis dit que ça pourrait donner sens à ma vie… Où pourrai-je être heureux et porter du fruit ? J’ai découvert que s’engager quelque part peut permettre aux racines de se développer et de puiser dans son environnement… afin de croître et être fécond.
Je n’osais pas beaucoup en parler (par peur de la réaction des autres ? par vertige devant l’ampleur d’un choix existentiel ?…). Mais cela m’a aidé d’échanger avec d’autres sur les questions liées au choix de ce qui oriente mon existence. Après avoir eu une expérience professionnelle de quelques années et avoir réfléchi un peu à la question, mais sans attendre d’être « sûr » que c’est le « bon » choix… je me suis lancé. J’ai frappé à la porte du séminaire, pour voir, et j’ai fait un pas. La possibilité de poursuivre mon boulot au début de la formation m’a aidé à le faire.
Aujourd’hui, je suis heureux de faire route avec le Christ. Et où je serai dans 5 ans, je ne peux pas le dire encore… Pour l’instant, j’avance avec confiance et enthousiasme vers la suite !
Entrer au séminaire a d’abord été pour moi accepter de lâcher prise. Oser prendre une décision qui, si elle n’était pas parfaite, m’aiderait à avancer. C’était accepter de relire mon passé pour y déceler les présences du Seigneur et mieux comprendre vers quel bonheur il m’appelle. C’était me questionner sur les deuils que j’avais à effectuer pour vivre ce bonheur : Quels étaient mes désirs ? A quoi devais-je renoncer pour y parvenir ? N’étais-je pas en train de me tromper en voyant des évidences ? Et Dieu, que désirait-il pour moi ? Et le ministère de prêtre dans tout ça ?
En gardant mon travail, j’ai pu approfondir en vérité ces points de discernement. J’ai pu apprendre à découvrir Dieu dans l’ordinaire des jours. J’ai pu me laisser questionner et dérouter par mes collègues, mes amis et ma famille. J’ai pu, enfin, interroger mon équilibre de vie : Suis-je épanoui ? Suis-je organisé ? Est-ce que je parviens à être autonome et à gérer les tâches ménagères ? Et ma vie affective, qu’est-ce que j’en fais ? Il faut donc aussi questionner énormément son corps, qui s’exprime dans les relations aux autres, la sexualité, les tâches ménagères, les loisirs, le travail… Et Dieu ne peut nous appeler que sur une route où nous sommes heureux à la fois dans notre tête et dans notre corps.
Au séminaire, il faut donc accepter de se mettre en vérité face à Dieu, de ne pas lui mentir et de ne pas se mentir, un peu comme Nathanaël, dans l’Evangile de Jean, qui ose se montrer à Jésus tel qu’il est… Et qui se laisse finalement dérouter par le Christ qui lui annonce : « Tu verras des choses plus grandes encore ! »
Au fil des mois, de ces questions, de cette route menée avec le Christ, jonchée de doutes et de joies, l’évidence de quitter le séminaire s’est alors effectuée d’elle-même. Mon corps a lâché prise. Ma tête aussi.
Comme lors de mon entrée au séminaire, j’ai alors accepté de nouveau de me plonger dans un avenir inconnu avec le Christ ; comme une nouvelle nouveauté à affronter sur cette route débutée avec mon baptême. Mais cette nouveauté, je l’affrontais en étant solidement armé de ces années passées au séminaire. Je savais bien mieux qui j’étais. Je pouvais beaucoup plus m’affirmer en adulte chrétien. Et je pouvais dire « je » décide « ça » pour mon avenir.
Je n’avais peut-être pas choisi la route la plus facile – car j’étais plutôt heureux et épanoui au séminaire – mais je savais que ce serait celle qui me mènerait au vrai bonheur, celui où on a les deux pieds sur terre, où l’on est un homme debout, en paix avec soi-même, à l’écoute des autres, de sa tête et de son corps. Où l’on essaie d’accepter progressivement de laisser Dieu nous regarder tel qu’on est et non tel qu’on voudrait qu’il nous regarde…
Ce choix était celui de la vie. Et donc de la Résurrection.