Père AugrosLe 24 juillet 1941, l’assemblée des archevêques et cardinaux de France ratifie le projet d’ouvrir un séminaire qui formerait des missionnaires pour les secteurs déchristianisés et elle le confie au soin du cardinal Suhard. Ce sera à Lisieux, près du Carmel comme il le souhaite, sous la protection de Sainte Thérèse qui aurait voulu être missionnaire « depuis les origines de l’humanité » et « sur tous les continents ».

Le cardinal cherche alors un responsable et se tourne naturellement vers la compagnie de Saint Sulpice qui forme des prêtres depuis le XVIIe. Le père Louis Augros, jusque-là supérieur du séminaire d’Autun, est alors nommé premier supérieur du séminaire de Lisieux. Le 8 septembre 1941, il voit pour la première fois Mère Agnès, la sœur aînée de Sainte Thérèse. On ne sait pas très bien la teneur de leur échange mais depuis cette date, le père Augros sollicite souvent les carmélites pour prier pour cette œuvre naissante. Un lien entre le Carmel et la Mission de France se crée.

A cette rentrée 1941, les candidats sont trop peu nombreux : « il semble contraire au bon sens d’ouvrir une si grande maison pour si peu de monde » écrit-il au cardinal. Avec sa permission, il part alors sur les routes de France présenter le projet missionnaire dans les séminaires et les diocèses. « Il faut faire les semailles sans oublier que le grand semeur, c’est Jésus et son Esprit. C’est pourquoi je compte tellement plus sur vos prières que sur mes paroles » écrit-il à Mère Agnès.

Le séminaire ouvre en 1942 et les candidats s’annoncent de plus en plus nombreux pour la suite : la confiance grandit. Pendant ces années de Lisieux, le père Augros structure spirituellement et concrètement la vie d’équipe et les envois. Beaucoup d’anciens de cette époque se rappellent encore les grands enseignements et les lectures spirituelles du père Augros. Ils ont jetés les bases, encore actuelles, de la Mission de France :

          • Sur la sensibilité par exemple: « on ne peut concevoir un véritable apostolat missionnaire sans un grand amour. Il nous faut apprendre à aimer : c’est tenir en main son amour, le purifier, le transformer, le diriger, comme le cavalier dirigeant une monture fougueuse. Il faut construire notre amour sacerdotal comme un maître d’œuvre sa cathédrale, comme un compositeur sa symphonie ».
        • Sur l’équipe : « il ne faut pas venir à l’équipe avec le souci de recevoir, mais de donner, de se donner. Dans l’équipe, Dieu nous parle par nos frères : sachons l’écouter. La plus grande difficulté de la vie en équipe n’est pas de prier ensemble, mais de penser ensemble. Il est plus facile de penser ensemble les problèmes spéculatifs que de penser l’action apostolique ».
        • Sur l’obéissance au réel : « pas de vie sacerdotale et apostolique sans obéissance. Pour un prêtre il n’y a de véritable obéissance qu’une obéissance d’amour. Pour que des prêtres séculiers soient en pleine vie, ils doivent considérer comme une indication providentielle tout ce qui gravite autour d’eux, cette pâte humaine à laquelle ils sont mêlés, ce milieu providentiel qui est par le fait même un milieu divin ».
  • Sur l’esprit évangélique : « notre spiritualité doit être séculière, sacerdotale, évangélique. La spiritualité évangélique exige abnégation, abandon et audace ».

 La Mission de France a son intuition et ses bases…

Point lecture : Le père Louis Augros, premier supérieur de la Mission de France, 1898-1982, Jean Vinatier, Cerf 1991.