Prêtres dans la succession des apôtres… appelés comme eux et comme les prophètes, un beau jour, de manière gratuite pour témoigner gratuitement de l’amour de Dieu pour tous les hommes…
Comme les apôtres : prêtres ensemble et inséparablement les uns des autres dans la diversité des situations humaines, témoins, au croisement de deux appels : celui de l’Esprit qui sourd au cœur de tout homme et qui prend les chemins multiples de la recherche humaine, celui de Jésus de Nazareth transmis par les générations chrétiennes qui ont fait l’Eglise.
Introduits par ordination dans le corps apostolique, ils sont comme les « fils de chaîne » du tissu ecclésial : tissage jamais achevé mais dont ils assurent la cohésion. Ils sont la chaîne, toujours en avant du tissu, prête à accueillir les fils multicolores, de toute origine et matière, qui feront la trame en des dessins inattendus…
Ils sont une partie de la structure ecclésiale pour que celle-ci soit témoin de l’initiative de Dieu, incessante et nouvelle. A ce titre, ils sont serviteurs de l’ouverture de l’Eglise (de sa catholicité : le plus profond de l’homme et l’accueil de tout homme) et de son unité.
Serviteurs de l’Eucharistie, de la table ouverte, de l’accueil, du partage et de la vie donnée.
Dans la réconciliation, serviteurs de la fragilité humaine et du pardon, porte parole de l’Espérance et de l’avenir ouvert.
Ministère d’inlassables semailles avant d’être de moisson, ministère de moissons inattendues là où un Autre avait semé…
Le ministère ne se définit pas par des tâches précises. Le penser seulement comme une fonction est… une grosse bêtise ! C’est l’appartenance à un élément de la structure ecclésiale sur simple appel du Seigneur.
Mais cela engage toute la vie et cela nous oblige à une certaine vie. Comme dit Paul, c’est une charge qui nous incombe et à laquelle nous ne pouvons pas nous dérober. Je ne vois pas comment être prêtre sans cette refondation, toujours à reprendre, de son être et de sa vie, c’est-à-dire sans un engagement de soi, qu’on appelle « religieux » ou mystique ou d’un autre nom qu’on voudra… c’est pourquoi le ministère commande par exemple et le choix du métier et la manière de l’exercer. C’est la détermination dernière de notre existence et cela se noue, fragilement, au plus profond de notre démarche vers Dieu.
A certain il est donné ou demandé d’être fil de chaîne au centre du tissu, à d’autres à la lisière, à d’autres encore très en avant de la trame. Mais c’est un seul fil et sa cassure, où qu’elle soit, remet en cause la vie de l’ensemble. Paradoxalement ce sont les bouts extrêmes de la chaîne qui sont les plus fragiles et les plus vitaux : là où le tissu est le plus anciens (le témoignage vivant de l’Origine dans l’Ecriture à revivre), là où la chaîne s’accroche au plus extrême et de rend présente au plus étranger.
J’ai souvent employé l’expression de « ministère aux frontières de la foi » pour qualifier la part du ministère qui nous est dévolue [les prêtres au travail professionnel]. J’y reviens.
C’est là où la foi s’estompe, où elle doute d’elle-même, où elle disparaît même avec seulement une obscure question qui continue à habiter l’homme.
C’est là où elle doit s’exprimer autrement parce que la vie est autrement, dans une société, une culture autres.
C’est là où elle est différente, exprimée dans une autre tradition religieuse, c’est dans les recherches humaines et dans des engagements pour l’homme qui sont d’un autre horizon.
C’est dans l’inquiétude humaine fondamentale : celle que le Christ a su entendre au puits de Jacob, dans l’espérance informulée de celui qui était né aveugle.
Ministère de l’attention de Dieu aux hommes qui prend figure concrète de l’attention du Christ au plus démunis, à ceux qui sont faillibles et qui le savent, à ceux qui sont écrasés et qui ne peuvent plus se relever si un regard fraternel ne vient leur rendre leur image dans un face à face.
Ministère des questions de l’homme, qui va là où elles se posent, là où elles crient ne l’homme cherchant un sens à sa vie.
Ministère au cœur du monde nouveau qui s’édifie dans les contradictions et les luttes.
Ministère de l’aventure de la foi, c’est-à-dire de son avenir et cela va même jusqu’à la foi aventurée. Ministère qui accepte de découvrir en soi même la part d’humanité questionnante et, par elle, de communier à toute recherche humaine, ministère qui accepte, comme Thérèse, de vivre l’incertitude et l’espérance au cœur de la foi.