Fils de paysan de Mayenne, Emmanuel Suhard naît en 1874. Il est ordonné prêtre à 23 ans. Après avoir été professeur au Grand séminaire de Laval, il est nommé évêque de Bayeux puis archevêque de Reims.
C’est à Reims qu’il fait le surprenant constat qui lancera les bases de la Mission de France : les prêtres sont nombreux en ville alors qu’ils sont isolés en campagne. Et justement à cette époque, en Champagne comme en beaucoup de régions françaises, la « déchristianisation » comme on dit à l’époque, est une réalité. L’Eglise ne rejoint plus des pans entiers de la société. Il remarque aussi que beaucoup de ces prêtres isolés, seuls dans leur sacristie et leur jardin, sont en train de mourir spirituellement. Il le découvre avec force lors de sa rencontre avec un vieux curé de campagne de la Marne qui lui dit : « je me suis habitué à cette misère ».
En 1940, il est nommé archevêque de Paris. Et là c’est bien connu : les tours de la cathédrale Notre Dame sont plus hautes et permettent de voir plus loin. Ce qu’il a remarqué à Reims, il le découvre à l’échelle de la France. Il y a des régions entières déchristianisées, sans prêtres, comme le Centre ou la Picardie. Et il y en a d’autres où les prêtres sont très nombreux, comme la Bretagne ou l’Aveyron. L’idée fondatrice de la Mission de France germe alors peu à peu au fil des rencontres : envoyer des prêtres en équipe de ces « zones riches » vers ces « territoires pauvres » en prêtres pour annoncer l’Evangile à tous les hommes. « Il y a un mur entre l’Eglise et la masse, dit-il, il faut abattre ce mur ! ». Le projet est là, c’est parti…
« Comment cela avait-il commencé ? Comme toute naissance, par un cri…
Ce cri-là portait l’inquiétude d’une absence : autour de la table, il manquait tant d’invités ! Où étaient-ils ? Quel mur avait arrêté leur pas pour qu’ils ne soient pas venus s’asseoir à cette table ? Pourquoi ce repas, espéré par Dieu comme un festin pour tous, leur était-il inconnu et certainement étrange ? »
Marie-Thérèse Weisse,
Equipe de Lorraine
Point lecture : Le cardinal Suhard, l’évêque du renouveau missionnaire, 1874-1949, Jean Vinatier, Le Centurion 1984.