yves patenotreLe mercredi 10 octobre 2012 lors du synode sur la nouvelle évangélisation qui s’est tenue pendant tout le mois à Rome en présence de Benoît XVI, le Père Yves PATENOTRE, l’évêque de la Mission de France, a pris la parole :

« Pour travailler ensemble en ce Synode, il me semble important de nous rappeler deux paroles prononcées au moment du Concile. L’une du bienheureux Jean XXIII et l’autre de Paul VI.

Le 11 octobre 1962, dans son discours d’ouverture du Concile, Jean XXIII invitait les pères conciliaires à se méfier des « prophètes de malheur » pour se confier davantage aux desseins de la Providence. Cela doit nous inviter à nourrir, en toutes nos réflexions et partages, une espérance constructive au souffle de l’Esprit.

Lors de l’ouverture de la dernière session du Concile, Paul VI répondait par avance à la question de l’historien désireux de définir l’Eglise en ce point culminant et critique de son existence : « Que faisait donc l’Eglise catholique en ce moment-là ? Et la réponse sera : l’Eglise aimait. » Cette parole annonçait le beau discours du 7 décembre 1965, veille de la cérémonie de clôture du Concile : « La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion – car c’en est une – de l’homme qui se fait Dieu. Qu’est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver ; mais cela n’a pas eu lieu. La vieille histoire du Samaritain a été le modèle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes l’a envahi tout entier. »

Si le phénomène de la sécularisation est évident en nos pays de vieille chrétienté, il ne doit pas nous décourager. Il doit nous pousser à trouver des chemins nouveaux pour annoncer l’Evangile. Je souhaiterais que nous regardions avec espérance le monde d’aujourd’hui avec le regard du Père. Ce monde d’aujourd’hui est aimé de Dieu. Il le voit, Lui, comme le monde de ses enfants, dans la diversité des peuples, des cultures et des religions. C’est la famille humaine dont il est le Père. La trace divine de cette paternité c’est l’amour au cœur de tout être humain. Chrétiens, dans la grâce de la révélation, nous savons que l’amour vient de Dieu, que l’amour est Dieu, comment le faire reconnaître ? Ce fut toute la mission de Jésus. C’est aujourd’hui la nôtre.

Le Concile Vatican II a présenté l’Eglise comme sacrement de l’union des hommes avec Dieu et des hommes entre eux. Un sacrement, c’est une réalité du monde qui révèle le mystère du salut parce qu’elle en est la réalisation. Sans être du monde, notre Eglise est-elle bien dans le monde ? Ainsi, il me semble que nous n’avons pas tant à être signes d’Eglise, mais signes du Christ et de Son Evangile. C’est en cela que nous serons l’Eglise. L’Eglise est invitée à être visage et parole du Christ, vivant et proclamant la foi de toujours dans les mots d’aujourd’hui.

Comment annoncer le Christ – pas d’abord une religion ni une morale – au coeur d’un monde où nous le croyons présent ? Je pense en ce moment à un prêtre de la Mission de France qui vient de mourir. Il était embarqué dans les missions polaires. Il écrivait : « A bord, je n’ai pas à apporter le Christ, il y est. J’ai à le faire connaître là, présent. Il s’agit de le voir, dans le contexte et dans les yeux de mes camarades. Phase contemplative. Ensuite donner sens à toutes ces choses, les lire dans la foi. Par mon style de vie, poser une question. Lorsque tel ou tel explicite cette question, y répondre. Répondre à tout appel discret de l’autre. Et si un embryon de communauté chrétienne peut se regrouper, tout doit se faire dans la liberté. C’est plus long mais autrement plus profond. Sur le navire ‘Tobago’, je suis engagé comme travailleur parmi d’autres. Comme chrétien, mon regard de foi donne sens à tout cet ensemble. Comme prêtre, sur ce bateau, tout est rassemblé et consacré dans l’eucharistie. Le monde nouveau qui s’élabore est consacré. La messe est le centre de ma vie. Geste de contradiction pour l’homme d’aujourd’hui, acte missionnaire numéro un qui atteste au plus profond, à la charnière des valeurs humaines, du sens de la vie. »

C’est le beau témoignage de tous les missionnaires qui ont vécu ces temps de présence et de partage, d’écoute et de proximité, pour vivre le mystère de l’incarnation-Rédemptrice. Rejoindre les personnes au creux de ce qui fait le coeur de leur vie pour, un jour, dans la grâce du moment, leur proposer le visage du Christ. Marcher avec les plus petits et tous les blessés de la vie. Ils nous parlent de Dieu. C’est la belle dynamique de ce que nous vivons actuellement en France avec « Diaconia 2013 ».

Il me souvient d’une parole toujours actuelle du Cardinal Suhard, fondateur de la Mission de France : « Il ne s’agit pas d’obliger le monde à entrer dans l’Eglise telle qu’elle est, mais de faire une Eglise capable d’accueillir le monde tel qu’il est ». Pour notre Synode, c’est tout un programme.

Quel bonheur de proposer la Bonne nouvelle de Jésus à tous ces hommes et femmes d’aujourd’hui, aux jeunes et aux enfants, qui ne savent pas qu’ils sont là tout près de la Source !